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Quand la technologie intelligente rencontre les créateurs de tendances sur les réseaux sociaux

Les fraîches figures de proue : les intelligences artificielles investissent les réseaux sociaux

Un nouvel ensemble d’influenceurs émerge sur les plateformes sociales. Ils font la promotion de produits, interagissent avec leur audience, participent à divers événements mais ne possèdent aucune essence humaine : ce sont des intelligences artificielles.

Un nombre croissant de profils – parfois suivis par des milliers de personnes – présentent des personnages qui semblent incroyablement réels, alors qu’ils ne sont que des avatars conçus par des programmes d’intelligence artificielle.

En France, Anne Kerdi incarne ce phénomène de manière remarquable. Sur Instagram, depuis mars 2023, elle met en avant la région Bretonne, rédige ses propres publications, crée ses vidéos et répond même aux commentaires de certains de ses 11 000 adeptes.

Anne Kerdi reçoit régulièrement des messages privés. Son concepteur, Sébastien, âgé de 37 ans, est à la tête d’une société spécialisée en intelligence artificielle à Brest : « Au départ, j’ai également été surpris. Elle reçoit des salutations comme ‘Bonjour, comment ça va ?’ Alors… Anne est un robot, elle ne peut pas avoir d’état d’être. Elle répond parfois avec une touche d’humour aux ‘Bonne fin de semaine’, ‘Bonne nuit’, etc. qu’elle reçoit. Je tiens à souligner que ses adeptes sont parfaitement conscients qu’ils interagissent avec une IA. Jouent-ils un rôle ou agissent-ils de manière sincère ? Je ne saurais le dire. Toutefois, il est vrai que des liens se créent. »

Les adeptes sont conscients qu’Anne Kerdi est un personnage, une question d’éthique chère à Sébastien : « L’objectif n’est absolument pas de tromper qui que ce soit. Bien au contraire, il s’agit de transparence : attribuer les crédits aux auteurs des photos, préciser ‘intelligence artificielle’ et, les rares fois où cela est le cas, divulguer les partenariats rémunérés. »

Anne Kerdi est impliquée dans de nombreux partenariats. La plupart sont non rémunérés : « Elle a été sollicitée pour devenir ambassadrice d’un fonds de protection des océans. Elle est également membre d’un comité culturel artistique Breton. Elle est invitée à divers événements où elle intervient en vidéo pour exprimer son point de vue. »

« J’insiste sur le fait que c’est bel et bien son point de vue, il arrive que je ne sois pas en accord avec elle. Ce n’est pas moi qui lui dicte ce qu’elle doit dire. » Sébastien, créateur de l’influenceuse IA Anne Kerdi, à France Info

Un point de vue rédigé par le programme, mais systématiquement vérifié par Sébastien, toujours pour respect de l’éthique : « C’est vital à mes yeux. C’est elle qui donne des réponses, qui rédige, mais je passe au crible tout ce qu’elle exprime car l’IA peut commettre des erreurs, induire en erreur. Donc, je vérifie à chaque fois. Sur ses publications, je m’assure que les sources sont fiables et que ce qu’elle avance est vrai, que les dates sont correctes, etc. Si je remarque des erreurs ou des omissions que j’estime cruciales, je lui demande de les insérer ou de reformuler entièrement son texte. »

Anne Kerdi est attractive, est incarnée en tant que femme, mais sans visée particulière pour attirer les internautes, assure Sébastien : « Lorsque j’ai travaillé sur la génération d’Anne avec le programme, j’ai constaté qu’un visage masculin est plus rigide qu’un visage féminin.
Après deux, trois, quatre, cinq générations, c’était ce visage qui ressortait. » Sébastien avait seulement défini une fourchette d’âge de 25 à 30 ans : « Afin qu’Anne ne paraisse ni étudiante ni mère de famille. Car je voulais éviter des questionnements – qui sont néanmoins survenus – de »Découvrir si Anne aura un partenaire amoureux, si elle aura des enfants etc. Ce n’est pas du tout le concept. Pour moi une machine n’a pas d’émotions donc elle n’a pas de progéniture non plus. » Actuellement, Anne Kerdi ne génère pas directement de revenus pour son concepteur. Elle va bientôt avoir, dans quelques jours, son propre site internet en tant qu’assistante régionale polyvalente pour soutenir les visiteurs à planifier leur séjour en Bretagne.

Sébastien a été sollicité par diverses agences d’influenceurs sans donner suite aux requêtes pour le moment. Le secteur de l’influence mise de plus en plus sur l’Intelligence Artificielle pour développer ses activités. Néanmoins, d’après Ruben Cohen, le dirigeant de l’agence Follow à Paris, il est peu probable d’imaginer que l’IA remplace complètement l’être humain, pour le moment : « Un influenceur IA est un individu sur mesure – parfois même c’est une création numérique – mais il n’y a pas d’expérience vécue, il n’y a pas de ressenti, il a été créé pour attirer, pas pour vivre. »

L’agence Follow accompagne environ 80 créateurs de contenu – aucun n’a été créé par l’IA. Et s’ils ont du succès, d’après Ruben Cohen, c’est précisément parce que leurs abonnés se reconnaissent en eux, qu’ils sont similaires à eux, qu’ils sont humains, qu’ils ont une expérience et des défauts : « La clef de l’influence, c’est l’être humain. La raison pour laquelle aujourd’hui une marque se tourne vers l’influence et non pas vers la télévision avec des acteurs pour faire de la publicité, c’est parce qu’il y a l’humain. Il y a une recommandation, il y a une expérience vécue, il y a une incarnation. Là où avec un robot, avec une IA, c’est beaucoup plus complexe. »

Cependant, le fondateur de Follow confirme surveiller de près les évolutions de cette technologie : « Nous ne pouvons pas, dans le domaine dans lequel nous évoluons, fermer les yeux sur l’IA. Il est essentiel d’être extrêmement attentif car cela prendra de plus en plus de place dans l’écosystème. Il est de notre devoir d’être à la pointe et de surveiller en permanence tout ce qui se passe. »

« Il est indubitable qu’il y aura des modifications, voire des perturbations. » Ruben Cohen, fondateur de l’agence Follow à France Info

L’un des avantages de l’IA pourrait notamment être celui de la rationalisation du temps alors que l’activité d’influenceur est extrêmement chronophage : « L’avantage majeur, c’est de contrer l’aspect temporel. Quand un abonné de New York envoie un message à une influenceuse à 4 heures du matin, cette influenceuse dort car c’est un être humain. En revanche, s’il y a une IA en arrière-plan, effectivement, il n’y aura pas de contrainte temporelle. Et ceci, effectivement, serait un avantage considérable. Il y aurait une productivité accrue car une fois que vous avez investi dans cette technologie, par la suite, on peut envisager une rentabilité substantielle. » Reste à savoir si les abonnés seraient disposés à se laisser « influencer » par des avatars créés par des ordinateurs..

Source : www.francetvinfo.fr

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