La technologie intelligente mise à l’épreuve des questionnaires et des études sociologiques
La technologie intelligente (TI) provoque de nombreux débats. Une récente interrogation est apparue : les TI pourraient-elles substituer les individus dans les questionnaires, les études commerciales, ou les investigations sociologiques ?
Au lieu d’interroger un réel ensemble sur ses points de vue politiques, ses convictions ou ses choix, la proposition consisterait à interroger une TI se faisant passer pour divers profils socio-économiques. Cette méthode serait rapide, mais quelle serait son efficacité ?
Cette problématique est explorée depuis 2023 par une étude de l’université Brigham Young (Utah) aux États-Unis. Ils ont mis en évidence que les réponses fournies par une TI pour un ensemble fictif correspondaient à la répartition des votes lors de scrutins aux États-Unis. Ces TI sont des prototypes de langage sophistiqués en développement, essentiels pour des systèmes conversationnels tels que ChatGPT, Gemini ou Copilot.
Une des autrices de l’étude, Lisa Argyle, propose l’utilisation d’« échantillons de silicium » pour contourner certaines limites des enquêtes avec des individus, comme les faibles taux de réponses, les partis pris dans le recrutement ou l’utilisation de la technologie par les répondants eux-mêmes.
Certaines études ont démontré que ces TI reproduisaient le comportement humain dans diverses expérimentations, notamment en matière économique et de psychologie cognitive. Néanmoins, d’autres recherches ont mis en évidence les contraintes de cette approche, avec des résultats mitigés.
Une initiative audacieuse
Une équipe de chercheurs français du Centre de recherche en économie et statistique à l’École polytechnique s’est penchée sur cette problématique. Etienne Ollion, chercheur au CNRS, indique qu’au début, la suggestion de substituer les individus par des machines pour les investigations en sciences sociales paraissait extravagante. Cependant, les conclusions de leur étude préliminaire réservent des surprises.
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont élaboré un échantillon artificiel en fournissant des descriptions de personnes à la TI, puis en lui demandant de compléter des affirmations sur divers sujets comme les opinions politiques, le bien-être, la pratique religieuse et la confiance envers autrui.
Après de multiples tentatives, aucune TI n’a brillé en comparaison avec une base de données mondiale de référence compilant plusieurs études de terrain. Les résultats ont été mitigés et mettent en évidence les limites de l’utilisation exclusive de TI pour des études sociologiques.
Il est crucial de continuer à questionner le rôle de la technologie intelligente dans les questionnaires et les études sociologiques, et d’explorer ses avantages et ses limites par rapport aux méthodes traditionnelles impliquant des individus.
Le débat autour de la technologie intelligente et de son impact sur nos sociétés reste d’actualité, et de nouvelles recherches sont nécessaires pour mieux cerner son potentiel et ses applications dans différents domaines.
Source : www.lemonde.fr