Est-ce que l’intelligence artificielle (IA) est sujette à un emballement ? Les attentes très élevées placées dans cette technologie capable de générer du texte ou des images pourraient-elles être déçues ? Des indices semblent aller dans ce sens. Depuis le succès fulgurant du robot conversant ChatGPT, lancé le 30 novembre 2022, les géants du secteur numérique se lancent dans une compétition pour dominer ce domaine, suivis par de nombreuses jeunes pousses avec parfois des valorisations astronomiques, comme OpenAI, valorisée à 80 milliards de dollars (72 milliards d’euros). Des dirigeants d’entreprises technologiques décrivent l’IA comme une innovation « plus fondamentale que le feu ou l’électricité » (Google) ou comme une révolution technologique inédite, ouvrant potentiellement une ère « d’abondance » où les machines déchargeraient les humains d’une grande partie de leur travail (OpenAI).
Il est important de faire attention à l’enthousiasme autour de l’IA, met en garde l’éditorialiste du Financial Times Rana Foroohar. Même si l’on considère que l’IA est comparable à l’électricité ou à Internet, nous ne faisons que commencer une transformation extrêmement complexe qui prendra plusieurs décennies et n’est pas du tout jouée d’avance, prévient-elle.
Selon l’essayiste spécialisé dans le numérique Cory Doctorow, « l’IA est une bulle ». Poser la question revient à se demander « si le pape est catholique », renchérit le chroniqueur du Guardian John Naughton, enseignant et auteur de l’ouvrage From Gutenberg to Zuckerberg: What You Really Need to Know About the Internet.
La « hype » entourant l’IA rappelle le boom et l’effondrement des télécommunications au début des années 2000, durant la bulle Internet, écrit l’éditorialiste financier du Financial Times, June Yoon. Selon les cinq phases du cycle de « hype » autour d’une technologie, théorisées par l’institut Gartner, l’IA en serait à la deuxième : le « pic des attentes exagérées », avant la « déception ». La « hype » entourant l’IA risque de conduire à des déceptions.
Les niveaux d’investissement sont nettement disproportionnés, estime l’ingénieur de Google François Chollet, lors d’une interview pour le site suisse NZZ. Les jeunes entreprises spécialisées en IA auraient levé 50 milliards de dollars en 2023, selon le site Crunchbase. Les investissements dans le secteur des puces informatiques et des data centers – nécessaires pour assurer les calculs informatiques essentiels à l’entraînement des modèles d’IA et à leur fonctionnement – sont « surdimensionnés », souligne un investisseur du fonds de la Silicon Valley Sequoia : environ 50 milliards de dollars en 2023 et 125 milliards en 2025, d’après l’institut Bernstein. Jensen Huang, le PDG du leader des puces Nvidia, a même déclaré que 1 000 milliards seraient dépensés en quatre ans.
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Source : www.lemonde.fr